La recherche sur l’embryon est l’un des grands débats attendus dans le cadre de la révision de la loi de bioéthique du 6 août 2004. Celle-ci se heurte à la question du statut de l’embryon. Ainsi, si bon nombre de scientifiques et chercheurs réclament une autorisation encadrée de la recherche sur l’embryon, beaucoup s’indignent de l’instrumentalisation de l’être humain en formation qui en résulterait.
De quels embryons s’agit-il ?
Il s’agit des embryons conçus in vitro. Lors de la mise en œuvre d’une fécondation in vitro dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation, il est procédé à la fécondation de plusieurs ovocytes pour éviter la répétition d’un processus lourd et pénible pour les femmes (stimulation ovarienne et ponction des ovocytes). Toutefois, un nombre limité d’embryons (en général, deux) est transféré dans l’utérus de la femme afin d’éviter les grossesses multiples. Les autres embryons dits « surnuméraires » sont congelés en vue d’une utilisation ultérieure par le couple. Cependant, il se peut que ce couple n’ait plus de projet parental. Le cas échéant, il peut donner son accord pour que ses embryons fassent l’objet d’une recherche.
Quel est l’intérêt de la recherche sur l’embryon ?
C’est en 1998 qu’ont été mises en évidence les propriétés des cellules souches embryonnaires. Celles-ci présentent en effet la particularité d’être pluripotentes c’est-à-dire qu’elles sont capables de se transformer en tout type de cellules du corps humain : neurones, cellules du foie, de muscle ou d’os. Les cellules souches embryonnaires constituent ainsi l’une des pistes privilégiées du traitement des maladies neurodégénératives comme la maladie de Parkinson. Le problème est que le prélèvement de cellules sur l’embryon conduit à la destruction de celui-ci.
Quelle réglementation de la recherche sur l’embryon ?
Alors que les lois de bioéthique de 1994 interdisaient toute expérimentation sur l’embryon, la loi du 6 août 2004 l’autorise exceptionnellement. Le principe demeure en effet l’interdiction de la recherche sur l’embryon (article L.2151-5 alinéa 1er du Code de la santé publique). Les recherches ne sont permises que par dérogation et pour une période de 5 ans à compter de la publication du décret du 6 février 2006 prévu à l’article L.2151-8 du CSP, « lorsqu’elles sont susceptibles de permettre des progrès thérapeutiques majeurs et à la condition de ne pouvoir être poursuivies par une méthode alternative d’efficacité comparable, en l’état des connaissances scientifiques » (article L.2151-5 alinéa 3 du CSP). En outre, le protocole de recherche doit être autorisé par l’Agence de biomédecine. La décision d’autoriser la recherche est prise en fonction de la pertinence scientifique du projet de recherche, de ses conditions de mise en œuvre au regard des principes éthiques et de son intérêt pour la santé publique.
De 2004 à 2008, 57 autorisations de protocole de recherche sur les cellules souches adultes et embryonnaires ont été accordées.
Une réglementation largement critiquée par la communauté scientifique
Des personnalités du monde scientifique telles que le Professeur Claude HURIET ou le Professeur Axel KAHN s’élèvent contre le dispositif mis en place par la loi du 6 août 2004 et appellent une position ferme du législateur : soit l’autorisation de la recherche sur l’embryon soit son interdiction.
La majorité des scientifiques souhaitent que le législateur se positionne clairement en faveur de la recherche sur l’embryon. A l’appui de leur prétention, un argument de taille est soulevé : la pluripotence spontanée des cellules souches embryonnaires contrairement aux cellules adultes qui nécessitent une manipulation génétique avec les risques de transformation qu’elle comporte.
Par ailleurs, pour beaucoup, le critère des recherches permettant des progrès thérapeutiques majeurs est inopérant dans la mesure où les recherches actuelles relèvent de la recherche fondamentale dont les applications sont incertaines. Il est donc difficile pour les chercheurs de garantir que leur projet de recherches aboutira à un progrès thérapeutique majeur.
Comment est réglementée la recherche sur l’embryon dans les autres pays ?
Au Royaume-Uni, le Human Fertilization and Embryology Act autorise les recherches sur l’embryon. Cette loi est très permissive dans la mesure où elle permet la création d’embryons à des fins de recherche, ce qui est strictement interdit en France.
La Belgique a adopté une loi sur la recherche sur les embryons le 11 mai 2003. Celle-ci est autorisée si elle poursuit un objectif thérapeutique ou vise l’avancement des connaissances en matière de fertilité, de greffes d’organes et de tissus, de prévention et de traitement des maladies congénitales. Elle est exécutée sur un embryon avant son 14ème jour de développement. La constitution d’embryons pour la recherche est implicitement permise : en effet, elle est interdite sauf si l’objectif de la recherche ne peut être atteint avec des embryons surnuméraires.
L’Italie, l’Allemagne et la Hongrie interdisent toutes formes de recherches sur l’embryon. Quant à l’Espagne, elle l’encadre strictement.
Aux Etats-Unis, un décret autorisant le financement par l’Etat fédéral de la recherche sur les cellules souches embryonnaires a été signé par le nouveau Président, Barack OBAMA. Celui-ci rompt ainsi avec la position prise par l’ancien Président, George BUSH, qui interdisait depuis 2001 tout financement public de la recherche sur l’embryon. Les recherches sur l’embryon ne pouvaient être effectuées qu’avec l’aide de fonds privés.